RÔLE DES ESPACES PRIVES DANS LE BON FONCTIONNEMENT DE LA BIODIVERSITE, NOTAMMENT EN EN CONTEXTE URBAIN DENSE
« L’espace privé individuel pourrait devenir un des leviers d’une politique en faveur de la biodiversité, en favorisant les logiques collectives et participatives, à condition de faire des habitants les acteurs de cette démarche. »
conclusion de la conférence de Laurent SIMON, dans le cadre des échanges du Réseau scientifique, conduits le 13 février 2014 par l’Observatoire Parisien de la Biodiversité
IMPORTANCE ET SIGNIFICATION D’UNE TRAME VERTE ET BLEUE EN CONTEXTE URBAIN DENSE
Selon Boris JOHNSON, Maire de Londres, « [la trame verte & bleue de Londres] a besoin du même niveau de protection, d’investissement et d’innovation dans sa conception et sa gestion. Le terme d’infrastructure verte peut sembler étrange, mais compte tenu de l’échelle et de la portée des bénéfices que ces espaces offrent à notre ville et à ses quartiers, il est vital que nous les appréhendions comme étant une partie intégrante du métabolisme de la capitale comme les routes, les voies ferrées ou les réseaux d’eaux propres et usées. »
CIMETIERE DE MONTMATRTRE : lancement d’une étude de renforcement et protection paysagère et patrimoniale
Le cimetière Montmartre, ouvert en 1825, est un des plus remarquables de Paris, par sa situation au flan de la Butte Montmartre et par le caractère exceptionnel de son patrimoine artistique, architectural et végétal.
Son rôle, à la fois social, patrimonial, écologique et paysager et sa place au cœur de la ville dense en font un cimetière très sollicité. Ses espaces sont saturés. Les tombes et sépultures ont fortement évolué au fil du temps, amenant un risque de banalisation et d‘asphyxie du site au détriment de la qualité de ses paysages et de la valeur de son patrimoine.
Il est donc nécessaire de le protéger plus solidement et de mettre en œuvre un plan de gestion pour qu’il puisse continuer à remplir ses fonctions tout en gardant ses qualités. Véritable musée en plein air, sa protection permettra de disposer, comme pour le cimetière du Père-Lachaise, d’une base réglementaire (loi de protection de sites et des paysages de 1930) et d’un outil partagé de gestion du site.
Pour préparer un dossier de classement du cimetière, la DEVE, en charge de sa gestion, a confié à l’Apur en 2012 une étude avec pour objectifs :
- de préciser les atouts environnementaux et patrimoniaux du cimetière ;
- de dégager les points forts du site et les enjeux de son évolution ;
- de fournir les éléments nécessaires à la rédaction du dossier de protection et du futur plan de gestion.
Le dossier d’étude décline, à partir de l’histoire du cimetière, des relevés et de l’analyse de ses composantes et de ses usages, des préconisations pour sa valorisation, le renforcement de son intégration dans la ville et l’accueil du public, une plus grande prise en considération de son histoire et de son rôle.
L’étude recommande particulièrement :
- l’amorce d’un processus de dédensifiation des concessions au profit d’une amélioration des cheminements, d’une mise en valeur et de renfort de ses paysages et de son patrimoine architectural par une politique de réutilisation des monuments funéraires ;
- la mise en œuvre d’un projet de rénovation des sols et des ouvrages d’art et de renforcement de la place du végétal qui contribue à la lisibilité de la composition du site et de ses ambiances, améliore la perméabilité des sols et la biodiversité ;
- une considération plus grande pour le rôle du cimetière comme ilot de fraîcheur et lieu de repos et de promenade pour les habitants du quartier et l‘amélioration l’accueil du public, notamment par la création d’une nouvelle entrée permettant sa traversée.
Sommaire
- Introduction
- Synthèse, éléments pour un plan de gestion
- Un cimetière urbain dans un site exceptionnel
- Diagnostic environnemental, paysager et patrimonial du cimetière
- Relation ville-cimetière, usages et gestion
- Les entités paysagères du cimetière Montmartre
- Annexes
rapport (décembre 2013) complet à découvrir sur : http://www.apur.org/etude/etude-renforcement-protection-paysagere-patrimoniale-cimetiere-montmartre
REGARDS CROISES SUR L’ECOLOGIE URBAINE ou : là ou croît le péril, croît aussi ce qui sauve
Alors que 70 % de la population mondiale sera citadine en 2050, de gros enjeux se jouent déjà autour de l’écologie urbaine. Hier considérée comme élément de destruction de la nature, la ville devient, selon le Centre national de recherche scientifique, un acteur incontournable des biodiversités régionales et nationales en France. Explications avec Nathalie Blanc, directrice de recherche au CNRS et Nathalie Daclon, conseillère auprès de l’adjointe au Maire de Paris, chargée des espaces verts.
- Un champ de recherches diversifié
Pour Nathalie Blanc, directrice de recherche au Centre national de recherche scientifique (CNRS, laboratoire Dynamiques sociales et recomposition des espaces), dès les années 1970 et plus encore depuis les années 1990, l’écologie urbaine « représente un champ d’investigations et de recherches qui n’a cessé de se diversifier », qui se résume pour ce qui la concerne à cette question : « En quoi le vivant (biodiversité, ndlr) peut-il participer d’une qualité de vie urbaine et améliorer la qualité de l’air, du climat ? D’autres collègues s’intéressent au métabolisme urbain et évaluent si la ville est économe, poursuit-elle. Dernièrement, nous avons développé un gros programme: le Programme interdisciplinaire de recherche ville et environnement, avec plus de 40 projets financés sur le métabolisme urbain, la qualité des eaux, etc. »
- La biodiversité dans d’autres villes européennes
« Paris est essentiellement minérale. C’est la ville la plus dense d’Europe », souligne Natali Blanc – la densité représentant le nombre de mètres carrés habitables rapporté à la superficie totale d’un quartier. « Le 11e arrondissement est le plus dense de la capitale », poursuit-elle, précisant qu’à Paris, les aménagements de biodiversité sont « plus symboliques qu’écologiques – au sens scientifique ». Selon de nombreux écologues, explique-t-elle, « la plus value à aménager ces espaces dans la ville, en terme de biodiversité, est dérisoire au regard de grands espaces naturels ou d’autres villes comme Berlin, beaucoup plus « végétalisée », ou même Londres, qui a des espaces naturels beaucoup plus vastes en cœur de ville. »
Elle ajoute : « Cela n’empêche pas que ce soit important de faire des choses à la fois pour retisser l’aménagement de Paris avec son environnement en trouvant tous les moyens de le faire. C’est aussi une réponse à la demande sociale qui réclame beaucoup de jardins à Paris, de toits « végétalisés ». Des requêtes qui «émanent des associations, auxquelles répond la municipalité d’une manière ou d’une autre, grâce aussi à des élus particulièrement volontaires au sein du cabinet de Bertrand Delanoë, qui ont porté le Plan biodiversité ».
- Un Plan biodiversité à la Mairie de Paris
Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, écrit en préambule du Plan Biodiversité de Paris, adopté en 2011: « La protection de la biodiversité est essentielle à notre avenir collectif. A toutes les échelles, les citoyens comme les États, les associations internationales ou les collectivités territoriales doivent désormais agir pour bâtir la ville du 21èsiècle, mieux concilier développement urbain et préservation de la biodiversité ».
Le Plan biodiversité de Paris est un ambitieux programmes de 30 mesures qui se décline sur trois grands axes : premièrement, renforcer les continuités écologiques, deuxièmement, mieux intégrer la biodiversité dans le développement durable de Paris et troisièmement développer et fédérer la connaissance, porter les messages, notamment à travers l’observatoire de la biodiversité.
- Les services éco-systémiques de la nature
« La nature rend des services », rappelle Nathalie Daclon, conseillère auprès de l’adjointe au Maire de Paris chargée des espaces verts, « les services éco-systémiques comme le rafraichissement des villes, la réduction d’îlot à effet de chaleur urbaine. Une différence de huit degrés a déjà été relevée entre Paris intra-muros et la banlieue, précise-t-elle. Il s’agit donc d’adapter la ville au changement climatique. Un autre service de la nature en ville : l’impact de la végétation sur la rétention d’eau qui permet de réduire le retraitement de l’eau ».
- Les trames vertes et bleues, espaces de biodiversité
« La trame verte et bleue vise d’abord à éviter de perdre de la biodiversité », explique Nathalie Blanc. « Pour cela, l’écologie du paysage dit qu’il faut relier des espaces « végétalisés » entre eux pour faire en sorte que cette biodiversité, cette diversité des espèces, qui est fonctionnelle dans le sens où elle se reproduit, ait le maximum d’espace pour pouvoir circuler ». Et de rappeler que la loi Grenelle de l’environnement de 2009 « a mis en place un projet de trame verte et bleue qui doit d’abord se concrétiser au niveau régional. Cinq corps se réunissent dont des associatifs, des scientifiques, des élus, des syndicats, pour travailler à l’élaboration d’un schéma dessinant ce que seront ces trames vertes et bleues ».
Par la suite, le Schéma régional de cohérence écologique (SRCE) sera appliqué par les villes et les départements : « Il y a deux projets de trames vertes à Paris : sur les Batignolles, dans le cadre de la ZAC, et vers le Pré-Saint-Gervais. Mais, indique-t-elle, toute la question de la continuité se joue avec le périphérique qui constitue une vraie rupture en terme de dispersions des espèces ». Et de conclure : « Il ne s’agit plus de traiter un souci écologique uniquement local, de mettre de la nature dans la ville avec des jardins et des toits « végétalisés », mais de réinscrire la ville dans son environnement au sens très large du terme par des continuités. C’est à cette échelle que se pense maintenant la question de la nature dans la ville ».
- L’enjeu électoral de la petite ceinture
Représentant 55 hectares ou 23 kms de linéaire, la petite ceinture parisienne était récemment l’« objet de concertation en interne», confie Nathalie Daclon, du cabinet de Fabienne Giboudeaux, adjointe au Maire de Paris chargée des Espaces verts et de la biodiversité. « Les tunnels représentent 40 % du linéaire. C’est un territoire unique à inventer. Un enjeu de la prochaine mandature », confie-t-elle. Et Nathalie Blanc d’ajouter : « Cela nous mène à la question du coût du foncier. Ce coût est énorme et tout espace laissé libre est sujet à discussions. J’ai fait partie du groupe de débats public sur la petite ceinture, confie-t-elle, chacun y allait de son droit d’usage : est-ce qu’il faut le maintenir en transport ? Pour les associations ? Pour préserver la biodiversité ? Deux kilomètres, ce n’est pas énorme, ajoute-t-elle, mais c’est beaucoup dans le contexte de densité parisien.
- L’économie verte, les métiers du « vivant »
Est-ce que l’économie verte rapporte ? « C’est une question très importante, estime Nathalie Blanc. Aujourd’hui, en particulier au CNRS, quand on parle de projet d’avenir en terme de recherche et de développement, la question principale est celle de l’éco-ingénierie, de la bio-ingénierie, de toute cette ingénierie du vivant et du végétal. Cela fait partie de l’économie verte. On ne parle plus de « vivant », mais de système végétalisé, lié à des pépiniéristes, des généticiens qui créent de nouvelles espèces pour des usages particuliers – ce qui peut être le cas pour les toits végétalisés. Derrière ce végétal à Paris, se cachent plein de forces contradictoires. »
Les plantes au service de la ville
Au CNRS, des études sont conduites sur le type de plantes à implanter sur les toits : « Peu demandeuses en eau, assez auto-suffisantes, plutôt chargées d’isoler le bâtiment de la chaleur et du froid, précise Nathalie Blanc. Au 19è siècle, les villes utilisaient le végétal comme du mobilier urbain. Nous poursuivons en quelques sortes cette tradition d’instrumentalisation du végétal pour répondre à des préoccupations urbaines de type îlot de chaleur urbain ou imperméabilisation des surfaces ».
Le potentiel biodiversité des toits végétalisés
« La création de sept hectares de toits végétalisés d’ici 2020, où au moins quinze jardins ouverts au public, a été votée en 2011 par le Conseil de Paris, précise Nathalie Daclon. Il s’agit de toits privés ou d’habitats sociaux. Des expérimentations sont aussi menées comme sur le toit-terrasse du bâtiment des services de la direction des Espaces verts et de l’environnement, au 103, avenue de France, dans le 13è arrondissement. Elles suivent l’évolution des végétaux destinés à couvrir les toitures, les couvertures de voirie ou tout autre espace public dépourvu de terre ».
Dans son étude d’avril 2013 sur le potentiel de végétalisation des toitures terrasses à Paris, l’Atelier parisien d’urbanisme, l’APUR, partenaire de la Ville de Paris, révèle que « face à un foncier rare, la végétalisation représente un des axes majeur du Plan de Biodiversité et un des leviers d’adaptation de la ville au changement climatique. » Toujours selon l’APUR, « la végétalisation des toitures représente un potentiel total de 460 hectares ; 80 hectares pourraient le devenir rapidement – les toitures plates de 3 000 bâtiments – et les 380 restants demandant des adaptations plus conséquentes en complément des 44 ha déjà végétalisés. »
« Là ou croît le péril, croît aussi ce qui sauve »
Pour conclure sur une note à la fois grave et pleine d’espoir, citons l’astrophysicien et philosophe Hubert Reeves, grand défenseur et vulgarisateur hors pair du vivant : « Pollution, menaces sur la biodiversité, réchauffement climatique, la terre est en péril. Mais là ou croît le péril, croît aussi ce qui sauve. »
CONFÉRENCE-PROJECTION : DES JARDINS DE LE NÔTRE À NOS JOURS : une relecture de l’Art des Jardins
samedi 21 septembre 2013 à 15h00
dans le cadre de « Délices de plantes », organisé par la Société d’Horticulture d’Ille et Vilaine
au Parc de La Hublais, à Cesson-Sévigné, près de Rennes (35)