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Liste des articles dans la catégorie I. HISTOIRE DE L’ART DES JARDINS.
PARC À FABRIQUES DU CHÂTEAU DE GROUSSAY (MONTFAURT-L’AMAURY)
évocation contemporaine des parcs à fabriques du XVIIIe siècle
Le domaine est, à l’origine, le parc à l’anglaise de la Duchesse DE CHAROST, fille de la Gouvernante des enfants de France.
Après plusieurs propriétaires, Charles DE BEISTEGUI le rachète en 1938 et fait exécuter les transformations.
Son oeuvre, dans le parc mais aussi dans le château, dedans et dehors à la fois, seront classés, en 1993, bien après son décès, MONUMENTS HISTORIQUES.
Essentiellement entre 1960 et 1970, accompagné par Emilio TERRY (entre autres architecte décorateur), Alexandre SEREBRIAKOFF (artiste aquaréliste), et les architectes DESBROSSES et COSTI, ce célibataire endurci pour qui l’argent et le temps ne doivent pas se perdre n’importe comment, fera construire, les unes après les autres, toutes les fabriques. Issu d’une famille basque émigrée au Méxique au XIXe s. et ayant fait fortune dans les mines d’argent, Charles sera marqué par son tour du monde et ses études au Collège d’Eton en Angleterre, d’où il ramènera un art de vivre certain et audacieux pour l’époque.
On découvre un parc garni d’une dizaine de fabriques, savamment disposées dans un parc boisé de 30 hectares, tout au long d’un parcours de visite qu’il serait à peine nécessaire de ne pas suivre à mon avis : il est dommage qu’on ne puisse pas monter sur l’avant-dernière étape, la Colonne observatoire, puisqu’on aurait pu en admirer toute l’Île de France. De plus, le théâtre, trop charmant, mérite mieux que d’être la dernière étape du parcours très riche.
Dommage que le potager actuel, qu’on traverse juste avant d’entrer dans le parc, ne soit plus totalement enfermé derrière de hauts murs. De plus, le jardinier en chef semble fâché avec sa géométrie, puisqu’il a planté en ronds, dans un rectangle allongé situé entre un haut mur d’enceinte et une haie taillée pas assez haute, les ronds entourés de buis de bordure mais à leur tour recoupés en quartiers par des fruitiers palissés, les plantes en secteurs quand ce n’est pas en bandes obliques…
Quand on a dépassé l’orangerie (de l’époque de la duchesse, modifiée), on aborde une enfilade de fabriques.
On passe sous un porche qui permet de traverser une charmille, où une galerie couverte de platanes taillés en têtes de chat entoure un rectangle. C’est l’emplacement, à l’origine, du potager de Mme. DE CHAROST, conservé par Charles de BEISTEGUI qui n’adorait pas tant que ça les fleurs. Après sa mort, son neveu, Juan DE BEISTEGUI, souhaite, hélas, un jardin d’agrément pour remplacer le potager : le dessin en est donné par le paysagiste australien Ian MILES. La composition est celle de chambres de verdure, dont les murs sont d’if taillé, garnies de topiaires de buis, de rosiers, de lavandes et de vivaces : un peu trop jeunes et trop écrasés de lumière ; motifs intéressants pour les pavements en brique sur tranche.
L’enfilade se poursuit par une clairière, avec, au centre, une belle volière, contenant des pigeons qui ne voyagent plus, aux plumes frisotées, les femelles couvant leurs oeufs dans des petits paniers en osier tressé ; un petit regret pour le rond de bacs en ciment passé à la chaux, pour l’heure vides.
Un bassin aux nymphéas, trop ensoleillé (on a taillé les haies autour mais aussi les arbres qui, avant, donnaient de l’ombre), avec un obélisque au centre qui est en travers de la fabrique suivante.
La tante tatare : su-perbe travail en tôle peinte !
Agréablement surprenante par sa fraîcheur, quand, dehors, on étouffe, elle est totalement couverte en faïence blanc-bleu de Delft (le plancher, les murs, le plafond), garnie de mobilier sombre : pour BEISTEGUI, le noir est une belle couleur, qui permet de mettre en valeur le reste : magnifique candélabre recouvert de feuilles en tissu. On devine que des oiseaux viennent se rafraîchir aussi. Imaginer les pigeons vus dans la volière se poursuivre pour entrer dans la pièce par les portes ouvertes, puis se donnant la réplique, chacun depuis son pot chinois. Le dos de la tante n’est pas très réussi en revanche : les fenêtres carrées à cadre sombre jurent, et le pavement en échiquier d’herbe et de callade de galets ne semble pas avoir de sens.
Belle enfilade de consoles de charme, avec un effet de transparence très réussi latéralement, taillées avec un effet curieux mais pas forcément désagréable de non-verticale qui resserre légèrement le passage vers le ciel, avec, à l’extrémité de la vue un petit temple de pierre calcaire et brique, frais à nouveau, avec une table ronde, un candélabre simple et des photos noir & blanc encadrées de Cecil BEATON, montrant la bibliothèque, les domestiques en livrée, le passage de différents hôtes du feu-propriétaire, leurs amusements à jouer au théâtre, à monter un grand escalier, etc.
Une galerie couverte, où fleurissent péniblement quelques grappes de glycine et de cytise palissé, trop à l’ombre en sous-bois et en mélange avec du charme ; on aboutit au théâtre de verdure, de plan circulaire, surélevé par rapport au terrain environnant, avec entrée des artistes, coulisses pour faire coulisser des décors, parterre et cercle de places assises sur chaises de jardin en fer.
On sort de cette enfilade à gauche, vers le pont vénitien, auquel arrive un tapis vert jonché de pâquerettes et de véroniques ; hélas, peu de vues latérales qui permettent d’en apprécier pleinement la silhouette : pourtant, on s’est donné du mal, à l’origine, pour déplacer une maquette grandeur nature jusqu’à en trouver la juste position ; et les berges mériteraient d’être plantées de quelques arbres, arbustes et aquatiques, qui donneraient une liaison et surtout du mystère.
On débouche dans une vieille clairière délaissée, en charmille, avec une incompréhensible colonne au centre : la supprimer ?
On en ressort à gauche vers la pyramide en brique et calcaire, intéressante, sauf la coquille où de l’eau, venue d’un lac d’au-dessus, passée sous le chemin, sourd après être passée enfin sous la pyramide.
Derrière la pyramide, vaste enclos avec, entre autres, des béliers aux cornes invraisemblables, qui profitent de l’ombre des saules, d’une vaste pièce d’eau, d’une butte couverte de nuages d’aubépines à fleurs roses, coiffée d’un petit temple d’Adam qui semble charmant et qu’on aurait aimé mieux voir.
En vis-à-vis de cet enclos, côté château, un chêne est tombé au bord d’une prairie, mais, resté raciné, il commence une nouvelle vie à partir de ses anciennes branches, devenues du coup verticales.
On dépasse le temple de l’Amour, forcément entouré d’une barrière ! On ne peut pas le comprendre autrement que comme une focale depuis le château ; première fabrique réalisée.
Le chemin amène au talus qui sépare la grande pièce d’eau de la prairie basse : s’avancer en direction du château (avant d’aborder la partie privée) : sensations agréables dans toutes les directions où le regard porte : peut-être un regret que la berge du lac et le talus côté prairie ne soient pas plus encombrés de végétation : le galbe manque un peu de réalisme et de mystère encore.
La prairie, où commencent à fleurir des marguerites, est très très belle ! chemin découpé à travers à l’anglaise, avec, à droite, l’enclos des baudets du Poitou : pas bêtes, ils ne goûtent même pas les feuilles de mortels colchiques, pourtant très correctement débroussaillées tout autour ! Les arbres dans cet enclos, ainsi que dans la partie grillagée le long du mur d’enceinte où les béliers peuvent aller aussi, sont plus ou moins gravement mutilés (les branches basses parfaitement taillées, de sorte qu’on dirait un saladier renversé) : certains sont mourants d’avoir été écorcés : dommage ! Un dernier regret au sujet de la prairie : les marges sont peut-être plantées de manière trop stricte d’arbres, a fortiori grands : un flou de plantation et de hauteurs serait plus heureux.
On aborde, enfin, le clou du spectacle : la pagode chinoise :
Très réussie avec ses couleurs criardes, avec, à la lisière d’en face, un groupe de Féviers d’Amérique dorés qui lui répondent. Ça devrait être, à mon sens, la fin du parcours, tellement le sentiment de calme et d’élégance culmine quand on y est entré, qu’on s’y est assis, et qu’on regarde les reflets du soleil projetés par l’étang miroitant sur l’intérieur du toit en pagode ; pas désagréable non plus : aller s’allonger sur le talus du côté château, sous un grand chêne, et laisser défiler le temps en suivant l’éducation que les bernaches donnent à leurs petits : très attentifs à leur nombreuse progéniture, maintenant que la nage et le regroupement autour des parents n’a plus aucun secret pour eux, les couples leur enseignent avec patience à entrer et sortir de l’étang, et, bien sûr, à s’en aller, si on veut les approcher, en dodelinant lentement du derrière, comme s’ils ne fuyaient pas spécialement.
labels : JARDIN REMARQUABLES & MONUMENTS HISTORIQUES (1993 pour le parc à fabriques et le château)
à ne pas rater : le livret vendu à la boutique et les catalogues des ventes en 1999 à SOTHEBY’S, avant le rachat par l’actuel propriétaire
propriétaire actuel : Jean-Louis REMILLEUX (depuis 2000)
restaurations du château et du parc : programme très ambitieux, en cours depuis 2000
visité le dimanche 23 mai 2010, avec B et F